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Explication linéaire : Demain dès l'aube / Les contemplations
(Hugo)

Explication linéaire...

Ci dessous, tu trouveras une explication linéaire du texte en question. Il existe une vidéo (en cliquant ici ou en dessous) où ce même texte est également expliqué... avec en plus quelques outils de méthodes et de compréhension...


                                   VIDÉO A VENIR...

TEXTE

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.


Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

                                                                          JUILLET 1842, Les Contemplations, Victor Hugo.

INTRODUCTION

« Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps »

C’est en ses termes que le poète déclame sa douleur à rester loin de celle qu’il aime. Mais il ne s’agit pas ici, comme on aurait pu le croire dans une première lecture, de sentiments amoureux. Il s’agit plutôt de la douleur d’un père – Victor Hugo en l’occurrence - inconsolable à l’idée d’être séparée de sa fille décédée. Est-ce pour ses raisons autobiographiques que le poème a tant été cité et étudié ? Demain, dès l’aube…, est l’un des plus célèbres poèmes de Victor Hugo, publié en 1856 dans le recueil Les Contemplations.

Composé de trois quatrains composés d’alexandrins en rimes croisées, ce court poème n’a pas de titre, si bien qu’on le désigne traditionnellement par son incipit, c’est-à-dire les premiers mots qui le composent. 14ème poème de Pauca meæ (quelques vers pour ma fille), livre quatrième des Contemplations, il évoque avec pudeur et lyrisme l’histoire d’un homme sur tout une journée… se rendant devant la tombe de sa fille.

EXPLICATION LINÉAIRE

Dès le premier vers, l’impression qui semble se dégager du texte est la tristesse et la solitude entourant le personnage.

 

Qu’est-ce qui me permet de dire cela ?

 

Je repère immédiatement dès le 1er vers une périphrase et gradation.

 

A mon sens, l’expression "à l’heure où blanchit la compagne" est une manière légèrement métaphorique permettant d’évoquer l’aurore, comme si cette dernière avait les propriétés d’un peintre pouvant blanchir la toile de son tableau.

 

Pourquoi de tels effets ? Selon moi, ces effets permettent d’encore mieux insister sur cette volonté de mettre en avant la gradation du texte : on commence par l’aurore (le soleil « blanchit »)…  et on finit par le crépuscule ( « l’or du soir qui tombe «  vers 10)… comme si toute cette histoire, au bout du compte était une longue agonie : le soleil commence à briller de mille feux… mais l’ombre finira tôt ou tard par le manger, comme le poète, désespéré par son drame intime.

Dans les vers 2, 3 et 4, l’impression qui domine est ce lyrisme ambiant mettant en avant la mélancolie et la tristesse du poète.

 

Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Si l’emploi du futur simple « je partirai », en rejet sur le deuxième vers, casse la dynamique chère à l’alexandrin (sans doute pour mieux montrer le trouble du poète), nous noterons malgré tout pour le reste de cette strophe une grande musicalité.

Le parallélisme de construction au vers 3 met à mon sens clairement en évidence la symétrie de l’alexandrin, avec ses hémistiches (« J'irai par la forêt, // j'irai par la montagne. »).

Quant au vers 4, il est peut-être l’un des vers les plus musical du poème. Pourquoi ? Parce qu’en 12 syllabes, Hugo ne se contente pas de faire un alexandrin (« Je /ne /puis /de/meu/rer //loin /de /toi /plus /long/temps/. »), il respecte également l’hémistiche, permettant de créer un équilibre et une symétrie parfaite : 6 d’un côté (Je /ne /puis /de/meu/rer) … et 6 de l’autre (! (« //loin /de /toi /plus /long/temps/.) Mais ce n’est pas tout ! A l’intérieur même de ce vers binaire se crée aussi un rythme ternaire… on appelle cela un tétramètre (« JE NE PUIS -1-2-3 DEMEURER 4-5-6 // LOIN DE TOI 7 -8 -9 PLUS LONGTEMPS 10 -11 -12 » !) Musicalité parfaite donc… pas simplement porté par un rythme riche et fouillé mais aussi par une sonorité sans faille avec les assonances en « eu-ui-on-é-un-en » ("Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.") Ce lyrisme simplement crée en 12 syllabes ne participe pas uniquement à un peu plus asseoir Victor Hugo au panthéon des plus grands poètes romantiques mais aussi, par ces sonorités plaintives et geignardes (« eu-ui-on-é-un-en »), à montrer la tristesse de cet homme qui vient de vivre le plus grand drame qu’un père puisse imaginer : perdre sa fille !

Dans la 2ème strophe, la tristesse pressentie dans la 1ère va selon moi s’amplifiant de plus en plus. Nous remarquons effectivement au vers 5 qu’une pensée ne peut être fixe, comme pourrait l’être qqch de concret.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste,
et le jour pour moi sera comme la nuit

Cette métaphore, ici, mise en évidence par cet adjectif « fixés » bien visible juste après la césure à l’hémistiche, nous indique que le poète ne regarde plus la beauté du paysage (pourtant bien réelle) car il est absorbé par le tumulte de ses pensées… qui, elles, auraient presque l’air réelles et vivantes !

 

Ces tristes pensées sont d’ailleurs accentuées par l’aspect lyrique du texte, mis en musique au ver 6. La dimension rythmique/musicale se voit aussi à travers l’anaphore et parallélisme de construction (« Sans rien voir au dehors // sans entendre aucun bruit, ») mais aussi par l’assonance en « en/au/un » (Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, »).

 

L’énumération, au vers 6 (« Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,/ Triste ») contribuera pour sa part à créer un champ lexical de la tristesse pour mieux insister sur le caractère sombre du poète que nous venons d’évoquer, un caractère sombre explicité par le rejet de l’adjectif « triste », laissé au vers suivant.

 

Quant à l’antithèse « jour »/ « nuit » au vers 8, nous retrouvons de nouveau une façon d’insister sur le côté perdu du poète, en pleine perte de repères… puisque même en plein soleil, il parait emmuré par ses pensées noires, noires comme la nuit.

 

Dans la 3ème strophe, il me semble que Hugo construit son poème pour mieux créer le point culminant de son histoire, visible dans les tout derniers vers.

Comme suggéré plus haut, la litote, insiste probablement encore davantage sur l’aspect sombre du poète, incapable de voir la beauté qui l’entoure tellement il est triste (« Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,/ Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, »). Cette tristesse trouve à cet instant son point d’orgue dans la métonymie « les voiles », partie évoquant cet ensemble qu’est le bateau.

 

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Le poète, est-il perdu, décontenancé ou bien brouillé par les larmes pour ne plus voir ce qui se passe sous ses yeux ?

 

Dans le dernier vers, nous devinons que la bruyère remplace métaphoriquement par substitution l’image de la mort. En ne disant jamais explicitement le mot « mort », le poète, montre-t-il l’impossible deuil ?

 

C’est en tous les cas une façon très pudique de ne pas dire le mot « tabou » pour ne pas avoir encore à accepter l’intolérable perte que Victor Hugo a vécue. C’est aussi une manière très dramatique de clore ce texte – que l’on croyait simplement sentimental – voire amoureux – au départ… et qui se termine de façon tragique par l’évocation de la jeune fille disparue.

CONCLUSION

Pour conclure, nous avons donc vu que ce poème, relatant l’arrivée progressive d’un père devant la tombe de sa fille, bouleversait son lecteur pour plusieurs raisons : sa dimension autobiographique (le poète n’hésite pas à dire « je » et à parler en son propre nom), son fort héritage romantique (la part belle est laissée aux sentiments) ainsi que son registre lyrique. Effectivement, par la rythmique créée avec la versification, les figures de style et le découpage narratif faisant au fur et à mesure réaliser au lecteur l’aspect tragique du drame personnel vécu par le poète, le lecteur sort de ce poème ému, conscient que seule la poésie, peut-être, peut à ce point porter si haut les ressentis d’un homme face aux douleurs que nous traversons tous dans une existence.

 

Une poésie qui pourrait encore mieux s’appréhender par un lien :

 

  • Le tableau de « L'Abbaye dans une forêt de chênes », du peintre allemand Caspar David Friedrich montrant cette propension qu’ont eue les artistes romantiques à sublimer le sombre, le dur, le triste en en faisant de purs objets artistiques…

 

On peut dès lors se demander si la poésie, pour Hugo, en plus de permettre d’évoquer ses chagrins et tourments personnels, ne permettrait pas, non plus, de transcender nos noirceurs pour mieux les ciseler et en faire de vrais joyaux poétiques, consolant celles et ceux qui ont vécu les mêmes drames personnels…

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TEXTE
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